Cela faisait maintenant près de deux semaines que Galadrys avait franchi pour la première fois la porte du magasin du K.E.K. pour y proposer ses services. Trop d'années de solitude avait fini par aigrir le jeune Crâ. Ses longues virées -durant parfois plus d'un mois- l'avait éloigné de la civilisation. Il ne revenait que pour vendre ce qu'il avait pu ramasser de bois et fabriquer de potions.
Le sens de l'orientation, il l'avait. Ca et là, il donnait un nom aux arbres centenaires que plus personne ne couperait. Quand il ne savait pas où aller, il grimpait sur la cime d'un des plus hauts arbres et il les reconnaisait.
"Tu es donc là Saule'Omiyo. Toujours de mèche avec cette vieille branche de If 'Aïweureyou ?".
C'était ses arbres à lui : il les protégeait en déracinant les mauvaises herbes qui les menaçaient et en échange, ceux-ci lui indiquaient la route le menant toujours plus loin de chez lui. Parfois même, quand Galadrys avait été malmené par quelque combat contre des créatures sauvages, ils lui offraient un abri pour la se remettre de ses blessures comme ce sacré bon vieux Frêne'Sinontuvateplanté.
Mais qu'est-ce qu'il a bien pu lui arriver pour décider ainsi, du jour au lendemain à quitter ses forêts pour rejoindres les villages ?
Galadrys s'en souvenait comme s'y s'était hier.
Comme à son habitude, il cueillait au pied des arbres les plantes aux vertus soignantes qui faisaient la force de ses potions. Puis il grimpa avec légèreté le long du tronc d'un grand arbre pour y déterminer sa route. Quelle ne fut pas sa stupeur quand il vit une petite clairière au Sud ?
Galadrys descendit de l'arbre aussi vite qu'il le pouvait non sans s'écorcher plusieurs fois dans la précipitation.
"Non, ce n'est pas possible !! Pas Chêne'Ifi !!!"
Alors qu'il courait, les larmes lui montaient aux yeux. Il se souvint la fois où il avait frôler la mort et avait réussi à se hisser tant bien que mal dans une niche profonde du tronc de Chêne'Ifi. Il se souvint y avoir trouver quelques glands, comme si le vieux chêne lui avait offert.
Lorsqu'il arriva au niveau de clairière, il ne put s'empêcher de hurler de douleur. Tout n'était que dévastation. Un éclair, sûrement, avait eu raison du chêne dont il ne restait qu'un bout de tronc encore fumant.
Galadrys s'adossa contre ce qui restait de Chêne'Ifi et, la tête entre les mains, pleura, pleura et pleura encore...
Au village, on avait oublié l'existence de Galadrys. Et le cours de la vie ne s'en trouvait pas changé. Le paysan récoltait son blé et en faisait de la farine que le boulanger s'empressait de transformer en délicieux petits pains. Le martèlement incessant du forgeron couvrait les cris des enfants qui jouaient non loin de là.
On entendait ça et là les animaux qui vivaient avec les habitants du village : le Bouftou, quelques Tofu..le sanglier...Le sanglier ??!!! Comment dont cet animal avait pu oser s'approcher ainsi du village. Les enfants, pris de panique, appelaient leurs mères. Un petit Iop que jouer avec une épée en bois amusait beaucoup avait lâché aussitôt son arme et épatait ses petits copains par sa rapidité, lui que tout le monde croyait lent.
Une petite Eniripsa, que la peur avait paralyser se tenait devant le sanglier qui grattait déjà le sol dans l'imminence de la charge.
L'Eniripsa ferma les yeux de peur, attendant le choc. Tout ce qu'elle put entendre c'est le bruit des sabots sur le sol sableux de la rue, puis un sifflement aigü et enfin un grand bruit sourd. Lorsqu'elle rouvrit les yeux, le sanglier gisait devant elle dans un épais nuage de poussière, une flèche en travers de la gorge.
"Ne reste pas là petite" lui dit Galadrys en l'aidant à se relever
"Oui M'sieur !" fut sa réponse
Galadrys se dressa et regarda tout autour de lui. Il se sentait comme un étranger.
"Il est temps de rattraper le temps perdu"